Rémunération de l'agent immobilier : vente post-contrat de courtage et mail automatique
Publié le 18 Novembre 2024
Petit rappel des conditions auxquelles un agent peut percevoir une « rémunération » postérieurement au contrat de courtage :
L’article 2, 14°, de l’AR du 28 septembre 2023 prévoit les conditions selon lesquelles un agent immobilier a droit à une indemnité pour les contrats conclus avec un particulier après la fin du contrat d’intermédiation immobilière.
LES CONDITIONS SONT LES SUIVANTES :
- Le contrat de vente doit être formé avec une personne qui a la qualité de consommateur au sens du Code de droit économique ;
- Une clause du contrat d’agence doit prévoir expressément que l’agent immobilier a droit à une commission après la fin du contrat. L’agent immobilier est tenu de respecter son obligation d’information et d’informer son cocontractant de son droit à rémunération post-contractuel.
- Le bien doit être vendu par le client-consommateur de l’agent immobilier à une personne reprise sur la liste fournie par l’agent (ou à un tiers qui est dans une relation avec une personne reprise sur la liste, lorsqu’il est raisonnable d’admettre que ce tiers disposait des informations données à la suite du contrat avec l’agent immobilier).
- L’agent est tenu d’avoir donné sur l’objet même de sa mission une information suffisamment précise et individuelle à l’amateur ayant finalement conclu la vente immobilière.
- L’agent est, en effet, tenu d’adresser dans les 7 jours de la fin du contrat d’intermédiation, une liste des personnes à qui il a communiqué une information précise et individuelle. Le non-respect de ce délai, implique la déchéance du droit de l’agent à réclamer son indemnité. Ce délai peut être raccourci mais pas allongé.
- Uniquement si le contrat de vente est conclu par le consommateur dans les 6 mois qui suivent la fin du contrat d’intermédiation ;
Cette disposition est impérative et doit être interprétée de manière stricte. La charge de la preuve du respect de ces conditions incombe à l’agent immobilier.
L’indemnité que doit percevoir l’agent immobilier correspond, selon la jurisprudence, à l’indemnité qui aurait dû être perçue par l’agent si le contrat n’avait pas pris fin.
A défaut de respect de ces conditions, la clause est considérée comme abusive par la jurisprudence.
A TITRE D’EXEMPLE, LA COUR D’APPEL DE MONS A JUGÉ :
« Est abusive, la clause par laquelle le consommateur s’engage envers un courtier, pour une durée indéterminée, à ne pas vendre le bien immobilier à une personne figurant sur la liste d’acheteurs potentiels contactés, après la cessation du contrat, sans spécification d’un délai raisonnable de résiliation. »
Mons (2e ch.), 20 mai 2014, 2010/RG/913
Focus sur les personnes « ayant reçu une information précise et individuelle » et pouvant figurer sur la liste
La liste des amateurs que doit transmettre l’agent immobilier comprend les personnes à qui ce dernier a fourni une information « suffisamment précise et individuelle sur l’objet de sa mission ». Cela vise une information détaillée sur le bien répondant aux exigences légales en matière d’information et reprenant les caractéristiques du bien.
Le caractère individuel suppose que l’information ait été adressée de manière personnalisée à un potentiel acquéreur. Cela signifie que l’agent immobilier doit avoir ciblé de manière spécifique une personne ou un groupe restreint d’acquéreurs potentiels, et non diffusé une information à un large public de manière indifférenciée (par exemple, via une newsletter ou une annonce publique). Cette condition peut s’établir, par exemple, moyennant l’envoi d’un courrier personnalisé, du prospectus informatif, d’une visite…
Or, en pratique, il est fréquent que les agents envoient des courriels collectifs contenant des extraits du descriptif aux personnes inscrites dans leurs mailings et intéressées par ce type de bien.
La vente d’un bien à une personne touchée par ces mailings automatiques donne-t-elle droit à une rémunération pour l’agent immobilier ?
Habituellement, la jurisprudence considère que, dans un tel cas, la condition consistant à « avoir reçu une information précise et individuelle » n’est pas remplie.
A CET ÉGARD, IL A ÉTÉ JUGÉ :
« En présence d’une clause contractuelle accordant une commission à l’agent immobilier dans le cas où le bien est vendu moins de six mois après l’expiration de la convention de courtage à un acquéreur avec qui l’agent aura traité ou à qui l’agence immobilière aura procuré des informations privées et individuelles sur le bien du vendeur, le juge peut estimer que la communication d’une liste de six cents noms, sans autre commentaire, ne suffit pas à établir que les conditions d’application de cette clause sont réunies. »
(Civ. Tournai (11e ch.), 07/02/2013, J.T., 2013/21, n° 6523, p. 404.)
Dans ce cas, le juge estime que le nombre de personne apparait hautement inhabituel pour le type de bien. En l’espèce, c’est principalement le nombre de personne ayant reçu ce mail qui pose problème et non le mode de communication en lui-même.
DANS DES CAS CONTRAIRES, IL A PARFOIS ÉTÉ CONSIDÉRÉ QU’UN SIMPLE CONTACT PAR MAIL POUVAIT SUFFIRE :
« La notion de contact évoquée dans le contrat de courtage doit être interprétée à la lumière de l'esprit général du contrat conclu entre les parties. Dès lors que la mission de l'agent était d'annoncer la vente du bien et de rechercher des candidats acquéreurs, il faut considérer qu'un lien s'établit entre l'agent et les candidats dès que ceux-ci s'adressent à lui au moyen d'un courrier électronique, moyen de communication aujourd'hui aussi fréquemment utilisé que le téléphone. »
Mons (2e ch.) 2 décembre 2008
Il a également été jugé qu’un contact même unique par téléphone, si individualisé, peut suffire si l’agent parvient à établir qu’il a donné une information précise et individuelle.
IL A ÉTÉ JUGÉ :
qu’ à la condition que l'agent immobilier ait donné à l'autre partie à ces contrats une information précise et individuelle. Pour transmettre des informations précises et individuelles sur un bien immobilier déterminé à un candidat acheteur intéressé, un contact (même unique) purement téléphonique avec le courtier ou son préposé peut éventuellement déjà suffire. »
Civ. Flandre orientale (div. Gand) (G11e ch.) 24 mars 2020
Par conséquent, la question de savoir si un mail envoyé à l’acquéreur peut être considéré comme la transmission d’une information précise et individuelle, dépend, au cas par cas, de l’appréciation du juge de fond. Il est probable que s’il s’agit uniquement d’une liste comprenant plusieurs centaines de noms ayant uniquement reçu un e-mail automatique reprenant les mêmes informations sur le bien, cela ne suffise pas.
L’agent immobilier pourrait également être sanctionné par l’IPI si la liste fournie ne contient pas uniquement les personnes à qui une information précise et individuelle a été communiquée.
Tips pour que la clause contractuelle ne soit pas abusive
Outre les conditions reprises ci-dessus qui doivent être strictement respectées, l’attention de l’agent peut être attirée sur quelques points :
- La liste ne doit pas être trop longue ;
- Les questions posées par les candidats éventuels via chat/mail doivent être conservées ;
- Il est recommandé d’envoyer un écrit à un acheteur potentiel après un contact téléphonique de manière à établir le contenu du contact.
Article rédigé par Danaé Capon et Julien Van Gils - Avocats au sein du cabinet DECODE (dc@decode.be et jvg@decode.be)
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