Quand le notaire dérape : erreur et responsabilité dans les transactions immobilières
Publié le 25 Juin 2024
La Cour de cassation a récemment statué sur la nullité d’une vente immobilière due à une erreur excusable des acquéreurs. L’arrêt a également examiné la responsabilité du notaire instrumentant. Découvrez comment cette décision impacte les transactions immobilières et souligne l’obligation de conseil des notaires.
Le notaire, acteur incontournable en matière de conseil
Vous y êtes parvenu, vous avez enfin trouvé le bien parfait pour vos clients et ces derniers décident de se lancer dans leur achat. Après quelques semaines, c’est l’heure de l’incontournable passage chez le notaire. Parmi ses nombreuses fonctions, le notaire a, avant tout, une obligation de conseil. Il se doit en effet d’informer « entièrement chaque partie des droits, des obligations et des charges découlant des actes juridiques dans lesquels elle intervient » en toute impartialité (art. 9 de la loi ventôse an XI).
Quel est l’effet de cette obligation de conseil ? Il est double. Premièrement, le notaire doit informer les parties, les conseiller et les avertir en cas de doute ou de problème. Deuxièmement, il a une obligation d’enquête et doit vérifier, dans le cadre du passage de l’acte, si les informations fournies par le vendeur, par l’administration ou autre sont exactes.
… oui, mais dans quelle mesure ?
Il est évident que le notaire n’est pas une entité omnisciente, censée connaître et vérifier toutes les informations qui lui sont soumises. L’obligation de conseil est dite « de moyen », ce qui signifie que le notaire doit faire tout ce qui est raisonnablement en son pouvoir pour satisfaire à son obligation.
Comment savoir alors quelles sont les erreurs « acceptables » et les autres ? Les cours et tribunaux estiment de manière générale que le notaire ne peut pas passer à côté d’erreurs manifestes.
Il faut à tout le moins vérifier la conformité urbanistique du bien
Dans le cadre de son devoir de conseil, le notaire est tenu de vérifier si le bien immobilier est conforme aux règles d’urbanisme en vigueur. Si le bien présente des infractions, le notaire doit en informer les acquéreurs. Cette étape est cruciale, car, pour que la vente soit valide, les acheteurs doivent consentir à l’achat en étant pleinement informés, ce qui leur permet de prendre leur décision en toute connaissance de cause. Dans le cas contraire, les acheteurs peuvent invoquer l’erreur et solliciter la nullité du compromis de vente.
Dans un arrêt du 23 novembre 2023 (n° C.22.0357.N/1), la Cour de cassation a estimé qu’en pareilles circonstances, la responsabilité du notaire devait être engagée, en plus de celle des vendeurs. En omettant de vérifier la conformité du bien avec les règles d’urbanisme et en omettant d’informer les parties de ces irrégularités, le notaire viole son obligation de conseil. Les acheteurs ont donné leur accord sur l’achat d’un bien qu’ils pensaient être conforme à la législation urbanistique alors qu’il ne l’était pas. Cette situation constitue une erreur excusable sur l’objet de la vente puisque les acheteurs ne pouvaient pas avoir connaissance des infractions. En conséquence, la vente peut être annulée. Étant donné que l’erreur est partiellement due à une négligence du notaire, sa responsabilité doit être mise en cause.
La Cour de cassation a confirmé la nullité d’une vente immobilière en raison de l’erreur excusable des acquéreurs et a estimé que la responsabilité du notaire instrumentant devait être engagée, car ce dernier a manqué à son devoir de conseil. Il est primordial que le notaire effectue une vérification rigoureuse de la conformité urbanistique du bien et communique les résultats de ses recherches aux acquéreurs.
Article rédigé par Cassandra Bockstael - Avocate au barreau de Bruxelles - Fieldfisher
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