Les nouvelles obligations de l’agent immobilier en tant qu’acteur dans la lutte contre la fraude sociale
Publié le 25 Juin 2024
Dans le cadre de la lutte contre la fraude sociale, il appartiendra à l’agent immobilier de faire face à deux nouvelles obligations, au risque de se faire vertement sanctionner sur le plan financier en cas de manquement. Autant anticiper.
La fraude sociale : une réelle préoccupation du législateur
La fraude sociale est une problématique récurrente bien connue des autorités belges. Le législateur a pris récemment, au travers de la loi programme du 5 décembre 2023, diverses mesures pour intensifier la lutte contre la fraude sociale. La volonté, très clairement exprimée, est de renforcer les mécanismes de contrôle pour détecter et prévenir la fraude sociale, d’exacerber la coopération des différents services impliqués et de mettre en place des règles plus strictes et des sanctions plus sévères pour dissuader la fraude. Ce cadre légal entrera en vigueur au plus tard le 1er juillet 2024. Ce dispositif intéresse de prime abord l’agent immobilier tant pour son obligation d’inscription que de retenue de sommes.
Concrètement, pour l’agent immobilier, quelles sont ses obligations en la matière ?
Deux nouvelles obligations s’imposent ainsi à charge de l’agent immobilier :
- d’une part « l’obligation d’inscription » dans le registre des associés actifs ou des aidants. En effet, tant les sociétés que les travailleurs indépendants exerçant l’activité d’agent immobilier devront inscrire, respectivement, leurs associés actifs et leurs aidants au sein de la Banque-Carrefour des Entreprises (BCE). Cette information qui reprend à ce « registre » une identification précise de ces personnes se devra d’être ponctuellement mise à jour, avec l’indication de la date de début et de fin de leur activité en tant qu’associé actif ou en tant qu’aidant dans une entité enregistrée personne physique ;
- d’autre part, « l’obligation de retenue ». Ce qui implique que, lorsqu’un donneur d’ordre fait appel, dans le cadre de l’exécution de travaux, à des entrepreneurs ou des soustraitants, celui-ci devra procéder, avant tout paiement des factures, à une vérification auprès de la base de données www.checkobligationderetenue.be quant à l’existence d’éventuelles dettes sociales dans le cadre du statut social des travailleurs indépendants. Ce contrôle se réalise à l’identique des contrôles existants dans le cadre de la législation ONSS dans le chef des entrepreneurs et/ou soustraitants concernant l’existence, là aussi, de dettes fiscales et/ou sociales.
Pour le cas où des dettes sociales existeraient, il doit alors, au moment du paiement, retenir 15 % du montant de la facture hors TVA, somme qui sera ensuite reversée à l’INASTI.
Faut-il préciser que ces mesures de prévention de la fraude sociale intéressent actuellement les secteurs visés à l’article 30bis, § 1er, 1°, a), de la loi ONSS dont notamment le secteur de la construction et le secteur du nettoyage. Il n’est cependant pas exclu que ce champ d’application puisse être élargi dans le futur.
En cas de non-respect de ces obligations : des amendes administratives
Pour assurer l’efficacité de ces mesures, le législateur a prévu des amendes administratives en cas de manquement :
- le défaut d’inscription est sanctionné par une amende pouvant aller de 500 à 4.000 € et à laquelle les administrateurs et gérants de la société concernée sont solidairement tenus ;
- le défaut de retenue des sommes est, quant à lui, sanctionné par une amende égale au montant qui aurait normalement dû être retenu, avec un seuil maximal de 10.000 €.
Des circonstances atténuantes ou aggravantes peuvent être prises en considération dans l’établissement de l’amende, notamment en cas de récidive. À cet effet, une procédure administrative a été prévue.
Pour l’agent immobilier exerçant en personne physique ou en société : la nécessité de redoubler de vigilance
Très clairement, pour répondre à ses obligations d’inscription, l’agent immobilier qui exerce ses activités professionnelles dans le cadre d’une société ou en personne physique se devra de procéder aux inscriptions dans le registre des associés actifs ou aidants auprès de la BCE et ce, donc, complémentairement à l’inscription UBO (étant le registre dans lequel sont inscrits tous les « Ultimate Beneficial Owners » ou « bénéficiaires effectifs » d’une société ou d’une autre entité juridique).
Par ailleurs, l’agent immobilier qui interviendra en qualité de donneur d’ordres pour l’exécution de travaux, ce qui peut être fréquemment le cas pour un syndic de copropriété ou un régisseur, devra là aussi avoir le « réflexe » de procéder à la vérification quant à l’existence d’éventuelles dettes sociales dans le cadre de la législation des travailleurs indépendants, et ce, avant d’effectuer le moindre paiement de la facture.
Rappelons que sont visés ici les secteurs de la construction mais aussi du nettoyage.
Dans le cadre de la lutte contre la fraude sociale, il appartiendra à l’agent immobilier, au plus tard à dater du 1er juillet 2024, d’assumer deux nouvelles obligations, étant d’une part de procéder auprès de la BCE aux inscriptions dans le registre des associés actifs ou aidants selon qu’il exerce en société ou en personne physique et d’autre part de procéder à la retenue de sommes avant paiement de facture en cas de dette sociale dans le cadre du régime social indépendant ; tout ceci sous la sanction d’amendes en cas d’éventuel manquement et/ou oubli.
Article rédigé par Marc-Philippe Tordoir - Avocat au barreau de Bruxelles - www.tordoirmarc.com
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