Une gestion rigoureuse et sans faille du compte de qualité : une obligation essentielle et totalement incontournable pour l’agent immobilier intermédiaire et régisseur
Publié le 25 Mars 2024
Au travers d’une récente décision, la Chambre exécutive de l’Institut professionnel des agents immobiliers (IPI) a rappelé les principes qui doivent prévaloir quant à la gestion du compte de qualité par l’agent immobilier. Elle sanctionne lourdement sur le plan disciplinaire, par une décision de radiation, l’agent immobilier intermédiaire qui avait utilisé de manière totalement inappropriée les sommes figurant à son compte de qualité, considérant qu’il s’agit dans son chef de manquements graves à des obligations déontologiques jugées fondamentales et qui visent la nécessaire protection des tiers. C’est donc l’occasion de « retracer » rapidement, au départ du cadre légal et déontologique, les obligations du professionnel intéressant la gestion de l’argent des tiers au travers du compte de qualité, comme pouvant être aussi une éventuelle « piqûre de rappel » pour certains.
Les faits portés à la connaissance de l’instance disciplinaire
À la suite d’une instruction disciplinaire approfondie du dossier par l’assesseur juridique, la Chambre exécutive a eu ainsi à connaître d’un ensemble de faits répréhensibles liés à la gestion par l’agent immobilier intermédiaire de son compte de qualité. Ce compte, alimenté ponctuellement des garanties constituées par divers candidats acquéreurs dans le cadre des intermédiations immobilières menées par le professionnel, voyait ces sommes qui, normalement, se devaient de rester bloquées dans l’attente de la réalisation effective de l’acquisition, être utilisées par le professionnel à des fins autres et personnelles liées à son activité, tels le paiement de fournisseurs, des salaires du personnel salarié, de la TVA… et même la perception par lui d’avances sur de potentiels commissionnements. Même si le compte était ensuite « réalimenté » par le professionnel, sans doute au vu de liquidités obtenues sur d’autres opérations et d’ailleurs seulement pour partie, se posait la question de l’utilisation des sommes figurant au compte de qualité, utilisation d’autant plus interpellante que dans le cadre de l’instruction disciplinaire, le professionnel avait répondu benoîtement « ignorer le fonctionnement du compte de tiers et qu’il avait assez de fonds que pour l’alimenter ».
L’obligation légale et déontologique d’être titulaire d’un compte de qualité
Avant tout, rappelons que tant le cadre légal formé par l’article 21/2 de la loi du 11 février 2013 organisant la profession d’agent immobilier que le cadre déontologique constitué des articles 29 et suivants du Code de déontologie ainsi que la directive déontologique relative au compte de tiers de l’agent immobilier, imposent, sans la moindre équivoque, à l’agent immobilier intermédiaire et régisseur d’être titulaire d’un compte de qualité.
L’objectif du législateur : éviter la confusion des patrimoines
En exigeant ainsi de l’agent immobilier intermédiaire et régisseur d’être titulaire d’un compte de qualité qui a pour seule vocation à recevoir l’argent des tiers, la volonté du législateur est d’établir ainsi une nette séparation, comme étant une frontière infranchissable, entre les fonds propres du professionnel et les fonds des tiers, devant éviter ainsi la moindre « confusion des patrimoines ».
Ceci vise avant tout à préserver les tiers quant aux sommes déposées entre les mains de l’agent immobilier, notamment en cas d’insolvabilité du professionnel (faillite…) ou autres « accidents de vie » (décès, divorce…) ou même en cas de fraude. C’est pourquoi aussi ces fonds sont garantis via la police collective d’assurances et cautionnement, notamment au travers de la garantie « indélicatesse ».
Emportant aussi un ensemble d’obligations complémentaires quant à la gestion de l’argent d’autrui…
Ceci emportant, pour le professionnel, l’obligation de gérer l’argent des tiers au départ du seul compte de qualité et sous sa responsabilité. Les fonds ne sont pas détenus en nom propre, ni pour compte propre, mais sont gérés au profit de tiers. En aucun cas les fonds ne peuvent être utilisés à d’autres fins que celles pour lesquelles ils ont été constitués. Ainsi, affecter l’argent des tiers au paiement de frais ou autres charges liés à l’activité personnelle de l’agent immobilier, est totalement inconcevable.
Ceci comprend, d’autre part, l’obligation de reverser les fonds de tiers aussi rapidement que possible et à « qui de droit », c’est-à-dire dans le respect de la convention des parties (par exemple selon les termes du compromis de vente intervenu entre l’acquéreur et le vendeur) ou en cas de désaccord entre ces parties, selon la décision du tribunal qui viendra à les départager.
Faut-il donc souligner que ce compte spécifique n’est pas un « compte d’exploitation », que l’argent qui y figure n’est pas la propriété de l’agent immobilier et que les tiers ne sont pas les « banquiers » de l’agent immobilier ?
Pour le professionnel, utiliser à d’autres fins que celles pour lesquelles les sommes ont été constituées ou, plus prosaïquement, faire main basse sur de l’argent qui ne lui appartient pas, est totalement prohibé et pourrait recevoir au surplus une qualification pénale. Sur le plan disciplinaire en tout état de cause, il s’agit d’une utilisation totalement inadéquate du compte de qualité, au préjudice des tiers, et qui est sanctionnée à chaque fois très lourdement comme mettant en péril l’honorabilité même de la profession.
La jurisprudence disciplinaire vient rappeler à l’agent immobilier intermédiaire et régisseur son obligation, jugée fondamentale, d’assurer une gestion adéquate de son compte de qualité, lui interdisant formellement d’affecter les sommes y figurant et qui appartiennent à des tiers, à d’autres fins que celles qui découlent de la convention des parties et pour les besoins de laquelle les sommes ont été versées. Tout manquement entraîne, sur le plan disciplinaire, des sanctions lourdes.
Article rédigé par Marc-Philippe Tordoir - Avocat au barreau de Bruxelles (www.tordoirmarc.com)
Article issu de la rubrique "L'Avis du Juge" du Federiamag n°36
En collaboration avec
Décision de 2023 - Chambre exécutive de l'IPI accessible via ce lien.