La consommation énergétique des ménages : la baisse de 2022 est attribuable avant tout aux températures clémentes
Publié le 18 Décembre 2023
Une fois connue, la baisse de la consommation énergétique des ménages en 2022 a suscité beaucoup de commentaires.
Cette baisse s’est révélée importante et en a surpris plus d’un.e : -15% au total entre 2021 et 2022 (et même -25% pour le gaz naturel), ce n’est pas rien.
Le tableau ci-dessous détaille la structure de la consommation d’énergie des ménages et l’évolution de chaque poste entre 2021 et 2022.
Et, bien évidemment, sans s’interroger plus avant, beaucoup, y compris des économistes, ont attribué ce recul de la consommation à la hausse des prix de l’énergie, qui a effectivement contribué à faire baisser le pouvoir d’achat des ménages en 2022. Sousentendu : les ménages ont fait des efforts, contraints et forcés, pour réduire leur consommation pour pouvoir payer leurs factures.
Le graphique suivant rappelle les évolutions des prix de l’énergie de 2021 à 2023 ; les hausses en 2022 sont très fortes, en particulier pour le gaz naturel.
Comme, entre-temps, les revenus ont été indexés, on peut dire que les ménages belges ont, dans le courant de l’année 2023, récupéré le pouvoir d’achat énergétique dont ils disposaient début 2021, en tout cas pour le gaz et l’électricité !
Un premier constat s’impose, vrai depuis toujours : les prix des énergies consommées au domicile n’évoluent pas de la même manière. On constate ainsi que le prix du mazout est resté élevé en 2023, à rebours de la baisse du prix du gaz naturel. Or, les consommateurs ne peuvent pas toujours choisir, soit parce qu’ils sont locataires, soit parce que le gaz naturel n’est pas disponible dans leur rue.
Pour comprendre ce qui s’est passé en 2022, un retour sur les évolutions passées s’impose. Et là, pas de grande surprise, on constate que, dans la durée, la principale explication des variations de consommations d’une année à l’autre c’est bien évidemment les températures. Or, il se fait que l’année 2022 a été relativement clémente. Depuis une vingtaine d’années, seules deux années ont enregistré une météo en moyenne plus clémente qu’en 2022.
Au total, on peut estimer que la véritable baisse de la consommation d’énergies fossiles en 2022 est de l’ordre de -10%.
Un examen plus attentif des séries de consommations montre qu’il y a, heureusement, des baisses tendancielles des consommations d’énergie, qui traversent les fluctuations des températures : de l’ordre de -0,8% l’an pour la consommation totale et de -1,6% l’an pour les combustibles fossiles.
Deux remarques très importantes ici :
- ces tendances baissières sont très en deçà des objectifs climatiques ;
- c’est l’étonnante stabilité de la consommation d’électricité depuis une vingtaine d’années qui explique que la consommation totale d’énergie des ménages belges diminue moins que la consommation des énergies fossiles (mazout de chauffage et gaz naturel principalement).
Au total, si on projette ces tendances on n’atteindra pas les objectifs fixés pour 2050, soit des émissions quasi nulles de gaz à effet de serre.
Comme le propose le mémorandum du secteur immobilier co-signé par FEDERIA, il faudra probablement revoir les normes pour y arriver vraiment : « La volonté du Gouvernement wallon est de tendre en 2050, pour le parc résidentiel, vers le label A décarboné en moyenne. Cet objectif nous semble peu réaliste au regard des coûts d’isolation pour les citoyens et de la capacité du secteur à absorber la demande. Plutôt que d’atteindre le label A décarboné en moyenne pour l’ensemble du parc immobilier, il doit être envisageable de viser un objectif plus réaliste (légèrement moins ambitieux) pour autant que l’énergie restante consommée soit d’origine décarbonée. »
Un autre moyen d’y arriver se trouve peut-être du côté de la démarche SlowHeat, dont l’approche fondamentale consiste à chauffer les corps plutôt que les espaces, pour plus de confort et moins de consommations.
Article rédigé par Philippe Defeyt - Économiste, Institut pour un Développement Durable