Les (nouveaux) délais de prescription acquisitive en matière immobilière
Publié le 19 Décembre 2022
Entré en vigueur ce 1er septembre 2021, le nouveau livre 3 du Code civil a profondément remanié la matière du droit des biens. Les délais de prescription acquisitive applicables en matière immobilière n’ont pas échappé au vent de la réforme, dont ils sortent incontestablement simplifiés.
Ancien régime
Depuis le Code civil originaire de 1804, le possesseur d’un immeuble est susceptible, par l’écoulement du temps, d’en acquérir la propriété (ou tout autre droit réel). Longtemps, ce délai était fixé, pour les possesseurs de bonne foi, à dix ou vingt ans, selon que le véritable propriétaire habitait ou non dans le ressort de la cour d’appel dans l’étendue duquel l’immeuble était situé. Cette différence de délai se justifiait par le fait que, si le propriétaire est domicilié loin du bien possédé, il faut lui laisser davantage de temps pour agir en revendication, car il lui sera moins souvent donné l’occasion de réaliser l’usurpation de son bien ; n’oublions pas qu’on se déplaçait principalement à cheval il y a deux siècles ! Dans tous les cas, l’intéressé devait s’appuyer sur un "juste titre", c’est-à-dire un acte théoriquement translatif de propriété (comme la vente) mais qui a été posé sans avoir eu l’effet escompté pour la raison simple que l’aliénateur n’était pas le propriétaire de la chose vendue. Quid maintenant des possesseurs de mauvaise foi (c’est-à-dire ceux qui savent pertinemment ne pas être propriétaires du bien possédé) ? Le délai culminait alors à trente ans, sans autre forme de condition.
Nouveau régime
Ce régime passablement complexe, l’article 3.27 du Code civil (issu de la loi du 4 février 2020 et entré en vigueur ce 1er septembre 2021) le simplifie notablement. À la trappe, tout d’abord, l’exigence de juste titre, notion trop proche de la bonne foi (et donc quelque peu redondante). Exit, ensuite, la différence de délai pour les possesseurs de bonne foi, tous alignés désormais sur la durée de dix ans ; cette différence n’a plus lieu d’être en effet à notre époque, intimement caractérisée par l’hypermobilité et l’abolition des distances. Il reste que cette diminution du délai de prescription doit inviter à la vigilance les propriétaires dont le bien serait possédé. Et, pour les possesseurs de mauvaise foi (toujours soumis au délai trentenaire), rien ne change.
En guise de conclusion
Que se passe-t-il avec les prescriptions non achevées au 1er septembre 2021 ? Le temps déjà écoulé est anéanti et le nouveau délai prend alors le relais… mais s’arrêtera en tout état de cause le jour où les durées de prescription cumulées correspondront au délai précédemment prévu. Traduction : la réforme ne saurait avoir pour effet l’allongement d’une prescription en cours, histoire de ne pas trahir l’attente légitime du possesseur. Il se peut en revanche que, de ce fait, des délais globaux soient raccourcis, dans l’hypothèse où les nouveaux délais seraient plus brefs que les précédents ; songeons au possesseur de bonne foi d’un immeuble dont le propriétaire est domicilié en dehors du ressort de la cour d’appel (au sein duquel est sis son bien) et qui, au 1er septembre 2021, avait prescrit moins de dix ans.
Article rédigé par Nicolas Bernard, Professeur à l’Université - Saint-Louis–Bruxelles
Day-to-Day de l'agent immobilier N°10 (Décembre 2022) - En collaboration avec