Du bon usage par les travailleurs de la messagerie électronique et d'Internet
Publié le 20 Juin 2022
L’employeur peut-il restreindre l’accès à internet durant le travail ? Peut-il consulter la boîte e-mail de son personnel ? Essayons de répondre brièvement à ces deux questions importantes.
L’accès à internet peut être réglementé
Rien n’interdit à l’employeur de restreindre l’accès à internet à ses travailleurs durant leurs heures de travail. Celui-ci pourrait ainsi interdire juridiquement ou limiter techniquement l’accès à certains sites, notamment lorsque le travailleur utilise des outils de travail appartenant à l’employeur. On rappellera que, durant l’exécution du contrat de travail, le travailleur est a priori rémunéré pour travailler, la rémunération étant la contrepartie de ce travail : il n’est pas payé pour surfer sur internet à des fins étrangères au travail.
La vie privée du travailleur doit être respectée
Plus délicate est la question de savoir si l’employeur peut consulter la boîte électronique de ses employés. Cette question est beaucoup trop complexe pour y apporter une réponse
très brève, compte tenu de la multitude de dispositions qui garantissent le droit au respect de la vie privée du travailleur et de la casuistique jurisprudentielle en la matière. Retenons en tout cas que le pouvoir de surveillance découlant de l’autorité patronale ne peut justifier que le droit du travailleur à la vie privée soit mis à néant : il est admis que le droit au respect de la vie privée du travailleur ne s’arrête pas aux portes de l’entreprise et que, même lorsque l’employeur fournit des outils de communication, les travailleurs ont le
droit à un minimum de protection, indépendamment des règles d’entreprise qui sont le cas échéant définies à ce sujet.
Des contrôles strictement réglementés
Il est souhaitable que l’employeur ait pu réglementer dans son entreprise l’usage de l’e-mail et d’internet, comme le lui permet la convention collective de travail n° 81, afin que les travailleurs soient informés à l’avance de la politique concernant l’utilisation des moyens de communication en réseau et des modalités de contrôle. Dans une certaine mesure et à certaines conditions, il est alors possible de contrôler les données de communication électronique en réseau, notamment pour éviter des faits illicites, pour protéger les intérêts économiques de l’entreprise, pour assurer la sécurité du système informatique, etc. Quoi qu’il en soit, si la convention collective de travail précitée prévoit la possibilité d’un contrôle de l’outil informatique, ce contrôle ne va pas jusqu’à permettre l’accès au contenu des communications. Il ne s’agit donc pas de contrôler le contenu des échanges entretenus par le travailleur, mais de savoir avec qui il communique, à quelle fréquence…
Mieux vaut prévenir que guérir !
Le premier conseil est donc de prévoir à titre préventif une policy interne réglant ces questions.
Sans que ce soit une solution miracle, il est parfois utile de privilégier des adresses fonctionnelles (secretariat@…, comptabilite@…) plutôt que des adresses personnelles, et de prévoir par des réglementations internes que les communications électroniques sur cette boîte e-mail et avec cette adresse sont strictement professionnelles. Peuvent être réglées notamment les hypothèses d’absence du travailleur en cas de maladie, etc.
Il convient d’attirer l’attention des lecteurs également sur le fait que les preuves recueillies irrégulièrement ne sont désormais plus nécessairement écartées des débats. La jurisprudence de la Cour de cassation a en effet évolué. Une preuve recueillie illicitement ne sera écartée des débats par le juge que dans certaines circonstances. Il n’est donc pas rare que des e-mails recueillis irrégulièrement soient malgré tout pris en compte dans le cadre de débats judiciaires…
Article rédigé par Steve Gilson, Avocat au barreau de Namur, Maître de conférences à l’UCLouvain et Chargé de cours à l’ICHEC
Day-to-Day de l'agent immobilier N°8 (Juin 2022) - En collaboration avec