L’évolution de la responsabilité des notaires risque de s'étendre à tous les professionnels de l’immobilier
Publié le 21 Décembre 2021
Dans un arrêt du 7 mai 2020, la Cour de cassation s’est prononcée sur la responsabilité d’un notaire au vu du devoir d’investigation qui lui incombe.
Devoir de conseil et d’investigation du notaire
Cas d’espèce. Un notaire, chargé de recevoir l’acte de base d’un immeuble à appartements en construction et l’acte de vente d’un des appartements, indique dans les actes que l’appartement a un accès au jardin via la chambre, alors que ce n’est pas le cas. Il est reproché au notaire, alors qu’il était en possession des plans de cet immeuble, d’avoir commis une faute en décrivant le bien de façon erronée, se basant uniquement sur les déclarations du constructeur à ce sujet. L’affaire est portée devant la cour d’appel et puis devant la Cour de cassation.
Le devoir de conseil. L’article 9 de la loi organique du notariat impose au notaire "un devoir de conseil". Ce devoir comporte plusieurs facettes, notamment un devoir d’information et de conseil aux parties pour s’assurer qu’elles comprennent bien l’acte à signer et ses conséquences, mais aussi un devoir d’investigation/ de contrôle de certains points (identification des parties, description du bien…). L’objectif est la sécurité juridique de l’opération.
Si le notaire n’administre pas correctement son devoir de conseil, sa responsabilité peut être mise en cause, à condition de démontrer une faute dans son chef en lien causal avec le dommage subi par le client.
Les limites de ce devoir ne sont malheureusement pas clairement définies par la loi. Cette obligation de moyen sera appréciée au cas par cas et selon ce qu’aurait fait un notaire normalement prudent placé dans les mêmes circonstances.
Que disent les juges ? La Cour d’appel d’Anvers estime le notaire non fautif et indique que le devoir d’investigation n’exige pas de lui qu’il vérifie la description du bien au vu des plans d’urbanisme. La Cour de cassation a cassé cet arrêt, estimant que le notaire est fautif et aurait dû rédiger son acte en consultant les plans au lieu de se fier aux déclarations du constructeur.
Un rappel sévère pour tous les professionnels de l’immobilier
Bien que cet arrêt soit critiquable, le lecteur doit en tirer des enseignements, les juges étant de plus en plus sévères et les clients de plus en plus exigeants.
- Déclaration des parties ? Le professionnel peut se satisfaire des déclarations des parties mais doit rester critique. Il doit apprécier si des investigations supplémentaires sont nécessaires pour vérifier que ces déclarations correspondent à la réalité.
- Informations à disposition du professionnel. Si le professionnel dispose d’informations, notamment fournies par les Administrations, il doit les consulter.
Revenons-en au notaire…
Vu l’évolution de la société, le notariat plaide pour plus de clarté quant au devoir de conseil. N’oublions pas qu’un notaire est avant tout un juriste dont la place est — en principe — dans son étude. Il n’a pas vocation à être architecte ou géomètre, ni à se rendre systématiquement sur place pour vérifier la conformité des constructions au vu des permis délivrés. L’obligation d’investigation n’est pas illimitée…
Sans balises claires, l’évolution du devoir de conseil risque de mener à un ralentissement des dossiers et à une augmentation de leurs coûts. Les parties, qui ont également un rôle actif dans leur dossier, doivent pouvoir décider si elles souhaitent être accompagnées par d’autres professionnels, comme un architecte par exemple, pour vérifier les contours de leur projet.
Conseil
Chaque professionnel (syndic, agent immobilier, notaire...) doit analyser les documents qui lui sont transmis. Pour un bien en copropriété, la consultation de l’acte de base, de ses modifications éventuelles et des annexes (permis, plans…) est requise, de même que la transmission de ces documents aux acheteurs. Le but est d’éviter, préventivement, les litiges.
Le notaire est un professionnel qui jouit de la confiance de la société. Il a un rôle clé dans la justice préventive. De ce fait, et à l’instar de l’évolution sociale et du droit, son devoir de conseil évolue et la jurisprudence tend à renforcer sa responsabilité. À l’avenir, cette tendance s’imposera sans doute à tous les professionnels de l’immobilier.
Article rédigé par Stéphanie Guisset et Fabrice Detandt - Notaires associés
Article issu de la rubrique "L'Avis du Juge" du Federiamag n°27
En collaboration avec