Responsabilité de l’agent immobilier à l’égard du tiers acquéreur : pas de garantie des vices cachés – limite au devoir d’information
Publié le 28 Juin 2021
Dans un jugement prononcé le 2 janvier 2019, le Tribunal de première instance francophone de Bruxelles (R.C.D.I., 2019/1, pp. 25 et s.) apporte deux éléments qui viennent contribuer à la clarification du périmètre de la responsabilité des agents immobiliers à l’égard du tiers acquéreur. L’agent immobilier n’est pas débiteur d’une garantie des vices cachés, laquelle concerne le seul vendeur du bien. Si vice caché il y a, il incombe au premier chef au vendeur de le signaler à l’acquéreur et non au commissionnaire désigné pour mettre l’acquéreur et le vendeur en relation.
Bref rappel des données du litige
Monsieur L. a vendu un immeuble à Monsieur F. par l’intermédiaire de l’agent immobilier K.
Après la passation de l’acte authentique et l’occupation des lieux par l’acquéreur, celui-ci se plaint de nuisances sonores importantes dues à l’activité, dans l’immeuble voisin, de déchargement de marchandises par transpalettes, puis à leur transfert par ascenseur à destination d’un supermarché.
L’acquéreur demande la condamnation solidaire du vendeur, du syndic et de l’agent immobilier sur la base de la garantie des vices cachés visée aux articles 1641 et suivants du Code civil.
Rejet de la demande en garantie des vices cachés dirigée contre le vendeur
Le tribunal distingue judicieusement l’environnement normalement bruyant auquel l’acheteur pouvait s’attendre de celui, plus spécifique et inattendu, résultant des bruits matinaux de déchargement de camions par transpalettes. Seuls les derniers peuvent être envisagés même s’il peut y être remédié. C’est la présence du vice au moment de la vente qui seule doit être prise en considération, pour autant, néanmoins, précise le tribunal, que la situation ne soit pas purement passagère, comme le serait celle d’un chantier.
En l’espèce, le tribunal qualifie les nuisances spécifiques comme étant à la frontière entre un trouble excessif de voisinage provoqué par le voisin et une véritable situation vicieuse. Selon le tribunal, déterminer si le bien vendu était affecté d’un vice lors de la vente ne pourrait en tout cas se résoudre que par une mesure d’instruction.
L’expertise n’est cependant pas ordonnée par le tribunal compte tenu de la validité de la clause d’exonération de la garantie des vices cachés du vendeur contenue dans l’acte de vente. L’acquéreur n’a en effet pas pu démontrer que le vendeur connaissait l’existence des nuisances sonores préalablement à la vente, de sorte que la clause d’exonération peut sortir ses effets.
Rejet de la demande dirigée contre le syndic et l’agent immobilier
L’acquéreur demande la condamnation solidaire du vendeur, du syndic et de l’agent immobilier sur la base de la garantie des vices cachés visée aux articles 1641 et suivants du Code civil, ce que le tribunal, à très juste titre, juge impossible. La garantie des vices cachés est due par le seul vendeur et la même demande ne saurait prospérer contre le syndic ou l’agent immobilier.
Cela semble une évidence, mais le tribunal rappelle qu’il faut éviter la confusion entre les obligations du vendeur et les obligations de l’agent immobilier. À supposer une demande du tiers acquéreur fondée sur une responsabilité extracontractuelle du syndic et de l’agent immobilier, le tribunal apporte d’autres enseignements.
À l’égard du syndic, le tribunal rappelle, avec un bon sens certain, que son rôle n’est pas de s’immiscer dans une relation contractuelle entre le copropriétaire vendeur et l’acquéreur potentiel, et ce, même s’il avait été au courant des problèmes de bruit.
À l’égard de l’agent immobilier, selon le tribunal, si vice caché il y avait, il incombe au premier chef au vendeur de le signaler à l’acquéreur et non au commissionnaire désigné pour mettre l’acquéreur et le vendeur en relation. Cette dernière considération contribue à nouveau, sous un autre angle, à distinguer les obligations respectives du vendeur et de l’agent immobilier, même si le tribunal n’a pas omis de vérifier de manière précise, dans les faits de l’espèce, si l’agent n’avait commis aucune faute.
Certes, le Code de déontologie des agents immobiliers, et plus spécifiquement les articles 12 et 55 de celui-ci, consacre le devoir d’information de l’agent immobilier afin de fournir les caractéristiques essentielles des biens qu’il présente. Toutefois, la jurisprudence relative à ce devoir d’information est assez hétérogène, voire contradictoire dans ses applications. Si certaines décisions exigent des agents immobiliers une proactivité très poussée, d’autres décisions considèrent que le devoir de conseil et d’information d’une agence immobilière doit s’entendre de manière raisonnable et ne peut s’étendre à la vérification de tous les éléments qui lui sont fournis par l’acquéreur s’ils ne lui paraissent pas devoir être remis en cause (sur cette jurisprudence divergente, voyez A. RIGOLET, “Les agents immobiliers”, Chroniques notariales, vol. 63, Bruxelles, Larcier, 2016, pp. 134 et s.).
Conclusion
Cette décision du Tribunal civil de Bruxelles s’inscrit de manière claire dans ce dernier courant en rappelant l’essence de la mission de l’agent immobilier : trouver un acquéreur et non garantir l’acquéreur contre les manquements du vendeur à ses obligations. Il est en effet de bonne justice que cela soit rappelé.
Article rédigé par Laurent-Olivier Henrotte - Avocat Lexing
Article issu de la rubrique "L'Avis du Juge" du Federiamag n°25
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