La cour constitutionnelle se penche sur le statut de l’agent immobilier (actionnaire, associé actif, travailleur salarié…) et ses obligations déontologiques
Publié le 28 Juin 2021
La Cour constitutionnelle a rendu, le 7 mai 2020, un arrêt n° 62/2020 concernant la question préjudicielle relative aux articles 8 et 10, § 2, 1°, de la loi du 11 février 2013 organisant la profession d’agent immobilier, qui lui avait été posée par la chambre d’appel de l’Institut professionnel des agents immobiliers (IPI). Elle considère que la question appelle une réponse négative.
Retour sur les faits
Les faits de la cause sont liés à une décision de suspension d’un agent immobilier agréé qui aurait manqué à ses obligations déontologiques en ce qu’il aurait permis à son frère d’exercer la profession d’agent immobilier sans disposer de l’autorisation requise à cet effet, par le biais d’un contrat de travail conclu avec une SPRL dont ils étaient tous deux actionnaires pour moitié.
Un traitement discriminatoire ?
La Cour rappelle qu’elle est interrogée au sujet d’une différence de traitement potentielle envers les personnes qui sont liées par un contrat de travail à une société dans laquelle elles exercent des activités en qualité d’agent immobilier, lorsque cette société n’est elle-même pas inscrite ni au tableau des titulaires ni sur la liste des stagiaires de l’IPI :
- si ces personnes ne sont pas actionnaires de la société concernée, elles ne peuvent porter le titre professionnel d’agent immobilier, mais elles ne sont pas non plus soumises aux obligations qui en découlent ;
- en revanche, si ces personnes peuvent être considérées comme des “associés actifs” de la société, l’existence d’un contrat de travail ne peut empêcher qu’elles soient également considérées comme indépendantes et qu’elles soient en cette qualité soumises à des obligations d’inscription
Retour sur le droit
L’article 8 de la loi du 11 février 2013 dispose que les personnes qui exercent la profession d’agent immobilier sont présumées exercer cette activité à titre d’indépendant.
Une exception est toutefois prévue pour des personnes qui exercent l’activité visée dans les liens d’un contrat de travail : elles ne doivent alors satisfaire ni à l’obligation d’inscription ni aux conditions qui y sont liées, mais ne sont pas non plus autorisées à porter le titre d’agent immobilier. La loi lie donc au statut d’indépendant le port du titre professionnel d’agent immobilier et l’obligation d’inscription au tableau sur la liste des stagiaires.
L’article 10 de la loi énumère les conditions applicables à l’exercice de la profession par le biais d’une personne morale inscrite au tableau des titulaires. Lorsque tel n’est pas le cas,
le § 2 prévoit des conditions en signalant que, si la personne morale n’est pas inscrite au tableau, les administrateurs, gérants ou associés actifs assument pleinement la responsabilité civile des actes posés dans le cadre des activités de celle-ci.
Cela signifie que, dans ce cas, tous les gérants, administrateurs et associés actifs qui exercent personnellement l’activité réglementée ou qui en ont la direction effective doivent être inscrits au tableau sur la liste. Cette inscription emporte la présomption irréfragable qu’ils exercent cette activité à titre indépendant. Un associé exerçant personnellement l’activité réglementée doit être considéré comme un associé actif.
La Cour de cassation avait déjà signalé que la circonstance qu’un associé actif soit un travailleur de la personne morale concernée n’empêchait pas l’application de cette présomption (Cass., 13 mai 2013, n° C.11.0762.N). Il est donc impossible pour des associés actifs d’échapper à l’obligation d’inscription en invoquant l’exception prévue pour les travailleurs sur la base de l’article 8, alinéa 2, de la loi du 11 février 2013.
La Cour constitutionnelle relève qu’il s’agit d’une situation délibérément créée par le législateur afin d’assurer le but de la loi. Elle estime que présumer de manière irréfragable qu’un associé d’une société développant une activité réglementée, qui exerce personnellement celle-ci, est un associé actif soumis à l’obligation d’inscription, quelle que soit l’ampleur de sa part dans la société, n’est pas déraisonnable, même lorsqu’il est lié par un contrat de travail.
Article rédigé par Steve Gilson, Avocat au barreau de Namur, maître de conférences à l’UCL et chargé de cours à l’ICHEC
Day-to-Day de l'agent immobilier N°4 (Juin 2021) - En collaboration avec