Comment l’assemblée générale doit-elle motiver spécialement une décision d’exécuter des travaux sur les parties privatives ?
Publié le 28 Juin 2021
En principe, l’association des copropriétaires n’a pas le pouvoir de faire exécuter des travaux elle-même aux parties privatives, sauf moyennant “une motivation spéciale”. La Cour de cassation a précisé comment répondre à cette exigence.
Compétence de l’assemblée générale
L’assemblée générale n’est pas compétente pour décider de travaux affectant les parties du bâtiment dont il est constaté qu’elles ne sont pas privatives (Cass., 1er avril 2004, Pas., 2004, liv. 4, p. 555). La loi du 2 juin 2010 ne déroge pas à ce principe mais introduit une exception permettant à l’assemblée générale de décider, à la majorité des deux tiers des voix, “moyennant une motivation spéciale, de l’exécution de travaux à certaines parties privatives qui, pour des raisons techniques ou économiques, sera assurée par l’association des copropriétaires” (art. 577-7, § 1, 1°, e), C. civ.). L’objectif visé par le législateur était de remédier à un problème rencontré très fréquemment dans la pratique lorsqu’il s’agissait d’exécuter des travaux aux terrasses, garde-corps ou séparations entre les terrasses qui, selon les statuts, sont privatifs.
Des raisons techniques ou économiques
L’intrusion de l’assemblée générale dans les parties privatives n’est admise que moyennant une motivation spéciale des raisons techniques ou économiques qui imposent ou justifient le fait que ces travaux soient mis en oeuvre par la copropriété. Cette question a été soumise au juge de paix de Furnes dans le contexte d’une décision imposant le remplacement de chaudières privatives pour une raison technique. L’assemblée générale avait décidé d’installer un nouveau conduit de cheminée. Il est apparu que la chaudière d’un appartement en particulier était défectueuse et devait être remplacée par une chaudière à condensation. Tous les autres appareils, connectés à la cheminée du bâtiment, devaient dès lors également être remplacés par le même type de chaudière, plus précisément la chaudière à condensation. Le juge de paix confirme qu’”il s’agit d’un travail sur les parties communes, qui a également un impact sur les parties privatives”, l’assemblée générale étant dès lors compétente pour imposer le remplacement des chaudières privatives
(J.P. Furnes, 18 décembre 2018, n° 18A240, R.C.D.I., 2019, liv. 4, p. 28). Un exemple de raison économique réside dans l’hypothèse de travaux aux terrasses, dès lors qu’il est nécessaire de placer de nombreux échafaudages coûteux, qu’il faut faire appel à un coordinateur de sécurité ou à un bureau d’études.
Une motivation suffisamment claire
L’exigence de motivation spéciale est destinée à faciliter la tâche du juge dans le cas où celui-ci est amené ultérieurement à vérifier la réalité des raisons techniques ou économiques. Une motivation spéciale permet en outre de vérifier s’il a été fait un usage abusif des règles de majorité (Doc. parl., Sén., 2009-2010, n° 4-1409/4, pp. 11 et 15). Par un arrêt du 15 janvier 2021, la Cour de cassation a considéré que cette motivation ne devait pas figurer de manière explicite dans le procès-verbal de l’assemblée générale mais qu’il suffisait que le contexte et les pièces jointes au procès-verbal indiquent de façon suffisamment claire les raisons économiques ou techniques pour lesquelles des travaux aux parties privatives s’imposent (Cass. (1re ch.), 15 janvier 2021, R.W., 2020-2021, liv. 27, p. 1056).
Quel est l’intérêt de cette décision ? Un copropriétaire ne pourra pas contester la régularité ou soulever le caractère abusif de la décision de l’assemblée générale au seul motif que le procès-verbal ne relate pas de manière explicite les raisons techniques ou économiques ayant imposé les travaux si ces raisons résultent à suffisance des documents et rapports soumis à l’assemblée générale.
Conseil. Afin d’éviter tout problème de preuve, la convocation à l’assemblée générale devra lister de manière précise les pièces jointes ou les éléments déjà remis précédemment aux copropriétaires.
Le procès-verbal qui acte une décision de l’assemblée générale d’effectuer des travaux sur les parties privatives ne doit pas mentionner explicitement les raisons techniques ou économiques qui motivent cette décision. Selon la Cour de cassation, il suffit que ces raisons résultent suffisamment clairement du contexte et des pièces jointes au procès-verbal.
Article rédigé par Anne Vranckx - Avocat (Alphajuris)
Article issu de la rubrique "L'Avis du Juge" du Federiamag n°25
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