Visites virtuelles : quelques points d'attention
Publié le 01 Septembre 2020
La crise liée au Covid-19 a accéléré le recours aux visites virtuelles par les agents immobiliers. Cela implique l’utilisation de photographies, de vidéos, de logiciels ou encore la mise en oeuvre préalable de home staging (ou valorisation immobilière). Afin de réaliser ces visites virtuelles, l’agent immobilier pourra soit faire appel à des ressources internes à l’entreprise, soit à un prestataire extérieur. Quoi qu’il en soit, l’agent immobilier devra respecter les droits d’auteur applicables à ces visites virtuelles.
Le droit d’auteur en quelques mots
Le droit d’auteur protège l’auteur d’une oeuvre. Ce dernier bénéficie de prérogatives sur l’exploitation de son oeuvre. Pour qu’une oeuvre soit protégée par le droit d’auteur, elle doit être considérée comme originale, c’est-à-dire qu’il doit s’agir d’une création intellectuelle propre à son auteur. Quant à la durée de cette protection, elle est “limitée” à 70 ans après la mort de l’auteur de l’oeuvre.
Droits patrimoniaux et moraux
Le titulaire du droit d’auteur détient des droits patrimoniaux qui lui permettront d’autoriser l’exploitation économique de l’oeuvre. Les droits patrimoniaux peuvent être cédés ou proposés sous forme de licence. En d’autres mots, le titulaire du droit pourra en tirer des revenus. Il existe plusieurs droits dits patrimoniaux. Seuls les droits de reproduction et de communication au public sont pertinents pour notre analyse.
Lors d’une visite virtuelle d’un bien, le droit de reproduction sera mis en oeuvre. L’utilisation de photographies – le photographe est alors le titulaire des oeuvres – est une mise en oeuvre du droit de reproduction. L’architecte dispose également d’un droit d’auteur sur l’immeuble et pourra, dans certains cas, faire jouer son droit de reproduction pour empêcher ou monétiser les reproductions de son oeuvre.
Le deuxième droit pertinent est le droit de communication au public. La plupart du temps, l’agent immobilier publiera les visites virtuelles sur son site internet. Dans cette hypothèse, la mise à disposition du public d’une oeuvre par internet est considérée comme relevant du droit de communication au public.
Bien qu’il existe des exceptions à ces droits patrimoniaux, c’est-à-dire des hypothèses où les oeuvres protégées peuvent être utilisées sans devoir obtenir l’autorisation du titulaire des droits, ces exceptions n’ont pas vocation à s’appliquer aux visites virtuelles. En effet, ces exceptions concernent principalement l’utilisation des oeuvres à des fins d’enseignements ou scientifiques, à des fins privées ou à des fins d’information.
À côté des droits patrimoniaux, le titulaire du droit d’auteur dispose également de droits moraux sur son oeuvre. Les droits moraux ont pour objet de protéger la “part” de personnalité que l’auteur injecte dans l’oeuvre. Il existe trois types de droits moraux : le droit de divulgation, le droit de paternité et le droit au respect de l’intégrité de l’oeuvre.
Le droit de divulgation a pour objet de permettre à l’auteur de l’oeuvre de décider de la porter à la connaissance du public. Dans l’exemple des visites virtuelles, les différents auteurs concernés devront pouvoir consulter le projet final de l’oeuvre virtuelle avant que cette dernière ne soit publiée par l’agence immobilière.Le droit de paternité est le droit pour les auteurs de revendiquer que l’auteur d’une création soit reconnu comme tel et d’obliger en conséquence les tiers à faire connaître l’oeuvre sous son nom.
Enfin, le droit à l’intégrité de l’oeuvre ou au respect de l’oeuvre est le droit par lequel l’auteur peut s’opposer à toute modification ou déformation de son oeuvre.
Contrairement aux droits patrimoniaux, il n’est pas possible de céder contractuellement un droit moral. Il est néanmoins possible de renoncer contractuellement à exercer ce droit. Toutefois, cette renonciation doit être limitée, certaine et déterminée.
Comment contractualiser l’utilisation licite des droits d’auteur ?
Il est essentiel de conclure un contrat écrit entre le titulaire du droit d’auteur et l’agent immobilier. Ce contrat doit préciser de manière claire ce qui est cédé à l’agent immobilier. Un contrat qui manquerait de clarté sera interprété en faveur de l’auteur de l’oeuvre en cas de recours devant un tribunal.
Lorsque vous concluez un contrat, vous devez mentionner les éléments suivants. Premièrement, il est important de préciser s’il s’agit d’une cession (transfert des droits) ou d’une licence (simple autorisation, exclusive ou non).
Deuxièmement, vous devez déterminer les modes d’exploitation concernés et leur étendue. Par exemple, les oeuvres protégées seront-elles exploitées pour une mise à disposition sur internet ? Cela peut paraitre évident, mais ce point doit être précisé.
Troisièmement, le contrat doit préciser la rémunération du titulaire de droit pour chaque mode d’exploitation.
Enfin, il est important de préciser l’étendue géographique et la durée de ce contrat.
Avec qui faut-il conclure des contrats ?
Lors de la réalisation d’une visite virtuelle, différents acteurs sont susceptibles d’intervenir et de bénéficier de la protection par le droit d’auteur : le home stager sur sa mise en scène, le photographe sur ses photographies, le « maquetteur 3D » sur le résultat final de la visite virtuelle, l’éditeur du logiciel de visite virtuelle et le webmaster/graphiste du site web de visite sur leurs codes et le layout, l’architecte sur ses plans…
L’agent immobilier peut soit contacter personnellement les différents acteurs soit commander la réalisation de la vidéo de la visite virtuelle à un seul prestataire. Il s’agit de l’hypothèse du contrat de commande. Le prestataire unique sera responsable de contractualiser l’utilisation des droits d’auteurs existants. Il est donc primordial que l’agent immobilier et le prestataire précisent très clairement dans leur contrat de commande le titulaire du droit d’auteur sur la création commandée.
Quels sont les risques en l’absence de contractualisation ?
En l’absence de contractualisation, vous pourriez devoir faire face à plusieurs scénarios. À défaut de conclusion d’un contrat, la règle est que les droits d’auteur sur la création commandée reviennent au créateur.
Le premier risque est le retrait de l’autorisation "tacite" de l’auteur d’utiliser son oeuvre en cas de litige. Afin d’éviter qu’à n’importe quel moment, vous ne puissiez plus utiliser cette oeuvre, il est donc préférable de mettre par écrit les modalités de son utilisation, et ce afin d’éviter toutes incertitudes juridiques.
Le deuxième risque est relatif à l’hypothèse du changement de prestataires. Dans cette situation, il pourrait être impossible de récupérer les images et droits sur l’oeuvre utilisée si la situation se dégrade avec le prestataire.
La troisième hypothèse est que vous pourriez être l’objet d’une action en contrefaçon en cas d’utilisation illicite d’une oeuvre. Enfin, la dernière hypothèse est le risque de se mettre en porte à faux par rapport au donneur d’ordre si des précautions n’ont pas été prises par rapport au prestataire embauché en tant que sous-traitant.
Article rédigé par Maître Alexandre Cassart,
Avocat au barreau de Liège