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Le modèle coopératif MLS comme réponse à la disruption du marché immobilier

Publié le 18 Novembre 2024

Entre confiance et régulation

INTRODUCTION

Le marché des agents immobiliers a déjà été fortement perturbé par l’arrivée des portails immobiliers tels qu’Immoweb et Biddit pour n’en citer que deux.

Par ailleurs, l’arrivée de l’intelligence générative va permettre de proposer une série de services tels que des conseils juridiques (comme un avocat ou comme un notaire), des conseils de types commerciaux (comme un agent immobilier), de types environnementaux...

Une nouvelle évolution est donc en marche. À cela s’ajoute, de manière encore plus marquée en 2024, une inflexion des ventes2. Le durcissement des conditions pour l’octroi de prêts hypothécaires3, les nouvelles normes environnementales en matière de construction et la neutralité carbone pour 2050 seront de nature à créer des turbulences sur le marché.

Face à ces perturbations, voire à une « disruption » du marché, l’innovation reste un moyen certain de pouvoir rester un acteur du changement. L’innovation n’est pas seulement technologique, elle peut aussi avoir lieu à différents niveaux et, entre autres, dans l’organisation des acteurs du marché.

LE MLS EN QUELQUES MOTS

En termes d’innovation, un nouveau modèle coopératif entre les agents immobiliers serait certainement de nature à exercer une influence positive sur l’évolution de la profession et sur la maîtrise de sa rentabilité.

Le MLS, acronyme de « Multiple Listing Service » (service de mandat multiple), peut assurément être synonyme d’innovation dans le domaine immobilier.

Le MLS est né en Californie au cours du XIXe siècle. Initialement, ces données étaient échangées lors de réunions physiques entre agents, puis par l’échange de listings papier, d’où le nom MLS. Mais au fil du temps, le MLS est devenu numérique, offrant une plate-forme centralisée en ligne pour répertorier et consulter des biens immobiliers. Il s’est largement développé dans tous les États-Unis et au Canada, puis, depuis une vingtaine d’années, dans certaines régions en Europe et en Amérique du Sud.

Dans les territoires où le MLS s’est le plus développé, l’exclusivité et le mandat multiple sont devenus la norme et représentent la quasi-totalité des transactions immobilières ; ils permettent au client acquéreur de choisir un agent immobilier unique pour l’assister et ainsi avoir accès à une offre quasi exhaustive des biens disponibles repris dans le portefeuille des confrères de l’agent immobilier choisi.

Cette solution réduit considérablement le marché du particulier à particulier, devenu quasi inexistant.

LES TROIS PILIERS DU MLS : PARTAGE, TRANSPARENCE, CONFIANCE

Le MLS est donc un système collaboratif basé sur la mise en commun des mandats exclusifs des professionnels, pour le plus grand bénéfice des clients vendeurs et des clients acquéreurs.

La valeur du MLS repose sur une promesse collective faite par les professionnels à leurs clients :

« Nous professionnels allons partager nos informations et collaborer pour vous garantir le meilleur service dans la réalisation de votre projet immobilier de vente ou d’achat ».

La valeur du MLS repose donc sur trois notions essentielles :

  • Le partage : des mandats, de l’information sur les biens vendus, partage des missions, partage des honoraires ;
  • la transparence : transparence de l’information, des conditions de mise en vente, d’organisation de la collaboration, des visites, des conditions de négociation des offres d’achat ;
  • la confiance : confiance dans un système garantissant prioritairement le respect de l’intérêt des clients.

La mise en oeuvre de ce cadre collaboratif, détermine donc obligatoirement l’existence de règles communes définies afin de garantir l’effectivité de la promesse faite par les professionnels à leurs clients.

En cela, le MLS, en tant qu’organisation, se définit comme un véritable tiers de confiance vis-à-vis des relations des professionnels avec les particuliers, tout comme vis-à-vis des relations des professionnels entre eux.

LES AVANTAGES ÉCONOMIQUES DU MODÈLE COOPÉRATIF

Les économistes postulent une efficacité économique de la coopération sur les autres modes (sur la base de la théorie des jeux) dans le cadre d’interactions sociales, à savoir le conflit entre l’intérêt collectif à coopérer et l’intérêt individuel à ne pas le faire4 ; elle est mise en avant au travers de deux concepts.

Ces deux concepts principaux peuvent être illustrés à partir de l’exemple suivant. 

Illustration 

Imaginons deux agents immobiliers, Alice et Bob, qui travaillent dans la même commune. Ils ont tous les deux des clients cherchant à acheter et à vendre des maisons. Si Alice et Bob décident de collaborer en partageant leurs listings via un MLS, ils peuvent maximiser les chances de vente rapide et efficace pour leurs clients respectifs.

1. INTÉRÊT COLLECTIF À COOPÉRER :

  • en collaborant et partageant leurs informations sur le MLS, Alice et Bob augmentent le nombre total de propriétés disponibles pour leurs clients, ce qui peut attirer plus d’acheteurs potentiels;
  • les maisons se vendent plus rapidement, et à des prix potentiellement plus élevés, car elles bénéficient d’une plus grande exposition, et donc restent moins longtemps en vente ;
  • tous les deux bénéficient d’une réputation améliorée grâce à une meilleure efficacité et satisfaction client.

2. INTÉRÊT INDIVIDUEL À NE PAS COOPÉRER :

  • Alice et Bob pourraient être tentés de ne pas partager leurs listings exclusifs, espérant garder une commission plus élevée pour eux-mêmes en fermant des ventes sans l’aide de l’autre;  
  • ils pourraient craindre de perdre des clients au profit de l’autre en partageant trop d’informations.

3. INTÉRÊT COLLECTIF AU SERVICE DE L’INTÉRÊT INDIVIDUEL GRÂCE AU MLS :

  • coopération (intérêt collectif) : si Alice et Bob coopèrent, ils maximisent les bénéfices pour tous les deux et pour leurs clients. Le MLS devient plus attractif, augmentant les transactions et leur part de marché ;
  • non-coopération (intérêt individuel) : si Alice et Bob choisissent de ne pas coopérer, ils risquent de perdre des opportunités de vente rapides et de potentiellement frustrer leurs clients par un manque de choix et de visibilité. À long terme, cela pourrait nuire à leur réputation et à leur succès commercial, mais aussi à la profession au profit de nouveaux entrants sur le marché.

 

Comme nous venons de l’illustrer, un modèle coopératif permet de dégager des gains mutuellement bénéfiques qui se traduisent par des surplus coopératifs. Il ne faut jamais sous-estimer la problématique liée à la redistribution des surplus coopératifs. Cette problématique est intégrée dans
la philosophie du règlement du MLS. 

La coopération se distingue de la collaboration sur deux aspects : d’une part, la coopération s’envisage sur un temps long (vs la collaboration sur un temps déterminé) ; d’autre part, la coopération est horizontale (vs la collaboration est verticale5).

INSTAURER LA CONFIANCE NÉCESSITE DES RÈGLES SIMPLES ET CLAIRES

Et le rôle du règlement MLS permet d’éviter ces travers et de bénéficier à plein de l’effet des modèles coopératifs et de son corollaire : la confiance6. Le projet du MLS et son règlement répondent aussi à la difficulté de la mise en place d’une action collective, étant donné que de nombreuses études montrent qu’il est difficile d’inciter les gens à coopérer en vue de leur avantage mutuel7

La coopération entre agents immobiliers est essentielle pour offrir un service de qualité aux clients et pour garantir des transactions fluides et efficaces entre les acteurs concernés. Cependant, comme dans tout domaine d’activité, des conflits peuvent survenir. Comment anticiper ces conflits ? Comment éviter la perte de temps et d’énergie inévitable dans ce cas ?

Nous pensons que l’importance d’un règlement clair qui définit les règles du jeu et des modes alternatifs de résolution des conflits (que l’on appelle traditionnellement les « MARC ») est essentielle.

Un règlement compréhensible et clair permet de servir de cadre de référence permettant de définir les attentes des parties prenantes et les comportements acceptables.

Cela permet en effet de :

  • prévenir les malentendus : un règlement clair établit des directives précises, réduisant ainsi les ambiguïtés et les zones de friction potentielles entre les agents ;
  • encourager la transparence : les agents savent à quoi s’attendre et comment agir dans diverses situations, ce qui renforce la confiance mutuelle et la coopération ;
  • fournir un recours en cas de conflit : en cas de désaccord, le règlement offre une base solide pour la résolution, guidant les parties vers des solutions justes et équilibrées menées par un tiers de confiance et compétent. Les MARC, tels que la négociation, la médiation, la conciliation et l’arbitrage, sont des outils précieux pour régler les litiges sans recourir à des procédures judiciaires longues et coûteuses. Ne dit-on pas qu’un mauvais accord vaut mieux qu’un bon procès ? Mais avec les MARC ce sera un accord accepté par les deux parties, et donc un bon accord pérenne !

La collaboration entre agents immobiliers revêt une importance cruciale dans un marché en constante évolution. Travailler ensemble permet non seulement d’élargir l’accès aux biens immobiliers disponibles, mais aussi d’optimiser les chances de réussite pour chaque transaction.

Cette synergie crée une dynamique gagnant-gagnant, où la satisfaction du client est au coeur des préoccupations. Cependant, pour que cette coopération soit efficace, il est indispensable d’établir des règles claires et de respecter un cadre déontologique rigoureux. Un règlement précis garantit la transparence des opérations et la confiance mutuelle entre les partenaires, tout en protégeant les intérêts de toutes les parties prenantes.

Cette synergie crée une dynamique gagnant-gagnant, où la satisfaction du client est au coeur des préoccupations. Cependant, pour que cette coopération soit efficace, il est indispensable d’établir des règles claires et de respecter un cadre déontologique rigoureux. Un règlement précis garantit la transparence des opérations et la confiance mutuelle entre les partenaires, tout en protégeant les intérêts de toutes les parties prenantes.

Ainsi, une collaboration bien encadrée devient la clé du succès durable, et ce nouveau modèle coopératif encadré par le règlement sera de nature à exercer une influence positive sur l’évolution de la profession et sur la maîtrise de sa rentabilité.


https://www.notaire.be/nouveautes/barometre-des-notaires#

3 « Les crédits hypothécaires octroyés ont chuté de 30 % en 2023 », L’Écho, 29 janvier 2024, https://www.lecho.be/economie-politique/belgique/economie/les-credits-hypothecaires-octroyes-ont-chute-de-30-en-2023/10521976.html

4 N. EBER, Le dilemme du prisonnier, coll.Repères, Paris, La Découverte, 2006, p. 4 : « Le conflit entre l’intérêt individuel et l’intérêt collectif
caractéristique du dilemme du prisonnier se retrouve dans de très nombreuses situations sociales ».

5 É. LAURENT, Coopérer et se faire confiance, Paris, éd. Rue de l’Echiquier, 2024, pp. 28 à 30.

6 Ibid, p. 8 : « La confiance est une espérance de fiabilité placée dans les conduites humaines qui étend le champ opératoire de la coopération de manière intensive et extensive dans le temps ».

7 J. ELSTER, Nuts and Bolts for the Social Sciences,Cambridge, Cambridge University Press, 1989.

 

Article rédigé par Philippe Dambly - Directeur CFDP Belgium et Maître de conférences à l’Université de Liège et Frédéric Dechamps - Avocat au barreau de Bruxelles (www.lex4u.com)

Article issu du Forum de l'Immobilier (septembre 2024).

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