Entrée en vigueur du nouveau Schéma de Développement du Territoire en Région Wallonne : quel impact pour les projets immobiliers ?
Publié le 18 Novembre 2024
Le 1er août 2024 a marqué l’entrée en vigueur du nouveau Schéma de Développement du Territoire (SDT), adopté par le Gouvernement wallon le 23 avril 2024 et publié au Moniteur belge le 21 juin 2024. Cet outil d’aménagement du territoire s'inscrit dans la récente réforme du droit wallon de l’urbanisme et en concrétise certains objectifs, dont celui de l’optimisation spatiale.
QUE DEVEZ-VOUS SAVOIR EN TANT QU'AGENT IMMOBILIER ?
Introduction
LE SDT NE S’APPLIQUE EN PRINCIPE PAS DIRECTEMENT AUX PERMIS D’URBANISME
Cet outil développe en effet une vision globale du développement du territoire wallon, ce qui rend son application à des projets immobiliers spécifiques non pertinente.
LA RÉFORME DU CODE DU DÉVELOPPEMENT TERRITORIAL (CODT) CHANGE CEPENDANT LA DONNE
Le SDT contient certaines indications relatives à l’urbanisation dans et en dehors des centralités, qui ont vocation à s’appliquer aux permis d’urbanisme (cfr. art. D.II.16, § 2, 3°, du CoDT).
Le contexte est le suivant : le CoDT comporte désormais un objectif d’optimalisation spatiale, lequel tend en substance à lutter contre l’étalement urbain et à réduire l’artificialisation des sols (cfr. art. D.I.1, § 1er). Le moyen privilégié pour concrétiser cet objectif sont les centralités et les espaces excentrés.
Le SDT indique ce qu’il faut savoir à ce sujet. Nous vous invitons à consulter tout particulièrement :
- Les pages 199 à 205 : Généralités, principes et modalités liés aux centralités et espaces excentrés.
- L’annexe 1 : Mesures guidant l’urbanisation dans et hors des centralités.
- L’annexe 2 : Cartographie des centralités (également disponible sur WalOnMap).
Accéder aux différentes parties du SDT : territoire.wallonie.be
Grandes lignes pertinentes du SDT
CENTRALITÉS ET ESPACES EXCENTRÉS : LES CONCEPTS CLÉS
L’idée principale est de concentrer les logements et les activités commerciales et tertiaires dans les centralités. En dehors de celles-ci, dans les espaces excentrés (à savoir, les espaces déjà urbanisés ou susceptibles de l’être hors centralités), l’urbanisation sera « freinée ».
Les centralités n’étant pas des espaces homogènes, l’urbanisation sera privilégiée au sein des coeurs et des axes structurants des centralités.
Les espaces excentrés ne sont pas non plus homogènes. Le SDT précise que certains espaces excentrés, comme les espaces spécialisés et les coeurs excentrés, seront davantage urbanisés que d’autres. Les logements et les activités commerciales et tertiaires ne se trouveront donc pas exclusivement dans les centralités. Certains espaces excentrés (par exemple dans un centre historique de village ou dans un quartier résidentiel existant) permettront tout de même l’implantation de logement et de services, voire les encourageront. Tout dépendra des besoins et des circonstances locales, sans perdre de vue que l’urbanisation des espaces excentrés doit se réaliser de manière « modérée et ciblée ».
Le SDT prévoit à cet égard deux trajectoires d’ici 2050 : zéro artificialisation nette et au moins 75 % du développement résidentiel dans les centralités.
D’autres concepts sont également à prendre en compte : parmi les centralités, on distingue les centralités villageoises, les centralités urbaines ou urbaines de pôle, ainsi que les bordures de centralités.
Toutes ces notions concourent à la mise en oeuvre des mesures guidant l’urbanisation dans et hors des centralités prévues à l’annexe 1 du CoDT.
Ces quelques lignes suffisent à démontrer que la politique mise en place par le législateur wallon – si elle devait rester en l’état – est susceptible d’influencer les transactions immobilières à la hausse comme à la baisse. Les porteurs de projet ainsi que leurs conseillers devraient donc s’intéresser à la situation exacte d’un bien destiné à l’urbanisation pour appréhender de façon complète ses potentialités et ses contraintes. Autrement dit, l’objectif d’optimalisation spatiale et ses conséquences doivent être examinés dans l’analyse des chances de succès d’un projet immobilier.
MISE EN OEUVRE ET TIMING
Les communes wallonnes disposent de six ans à compter du 1er août 2024 pour définir leur stratégie d’optimalisation spatiale, ce qui inclut notamment l’identification de leurs centralités et espaces excentrés, à travers un schéma de développement communal (SDC) ou pluricommunal (SDP). Le Gouvernement wallon pourra encourager les communes à entamer cette démarche, voire l’initier lui-même si nécessaire.
Le SDT indique les trois critères que les communes doivent respecter pour déterminer le périmètre des centralités (cf. pages 204 et 205 du SDT).
Ce n’est donc qu’à partir du 1er août 2030 – si les communes n’ont pas défini leur stratégie d’optimisation spatiale – que les mesures (annexe 1 du SDT) et la cartographie des centralités (annexe 2 du SDT) pourraient légalement s’appliquer aux projets immobiliers. Ce scénario est peu souhaitable car le SDT précise que le contenu des annexes 1 et 2 n’est pas suffisamment détaillé et nécessite une adaptation en fonction des situations locales.
Le calendrier d’implémentation dépendra de chaque commune et pourrait, selon le cas, être mis en oeuvre rapidement ou tardivement. Nous recommandons aux agents immobiliers de suivre de près l’évolution de l’élaboration du SDC ou SDP auprès des communes où ils opèrent.
Dans l’intervalle, le contenu du SDT pourrait inspirer certaines autorités urbanistiques et servir de ligne directrice implicite lors de la délivrance de permis – ce qui peut déjà être constaté en pratique. Néanmoins, le contenu du SDT ne pourrait à l’heure actuelle déterminer le refus d’un permis et, partant, entraîner l’échec d’un projet immobilier. Il s’agit d’un motif de contestation parfaitement pertinent tant que la commune concernée n’a pas adopté sa stratégie d’optimisation spatiale ou, à défaut, jusqu’au 31 juillet 2030.
APPLICATION DIRECTE AUX IMPLANTATIONS COMMERCIALES
Il convient de préciser que les mesures (annexe 1 du SDT) et la cartographie des centralités (annexe 2 du SDT) sont directement applicables aux permis d’urbanisme requis pour l’implantation d’un commerce (cf. art. D.IV.4, 8°, du CoDT). En d’autres termes, les projets d’implantation commerciale soumis à permis ne bénéficient pas du report de six ans mentionné ci-dessus.
ILLUSTRATION DE LA PORTÉE JURIDIQUE DES SCHÉMAS METTANT EN OEUVRE LA STRATÉGIE D’OPTIMALISATION SPATIALE (SDT, SDC OU SDP)
À partir du 1er août 2030, les projets sur des terrains de plus de 0,5 hectare au sein d’une centralité devront respecter les règles de densité suivantes (annexe 1 du SDT) :
Le SDT précise que ces densités pourront être nettement supérieures à ces minima dans les coeurs et le long des axes structurants de centralité.
Si ces règles devaient être incompatibles avec un projet immobilier, il faudrait identifier et motiver un écart au SDT dans la demande de permis en application de l'article D.IV.5 du CoDT. Cette disposition indique que l’écart est notamment possible lorsque le projet ne compromet pas les objectifs de développement territorial, d'aménagement du territoire ou d'urbanisme contenus dans le schéma.
Cette condition fera très certainement l’objet de vifs débats en justice car tout projet s’écartant de telles mesures organisant l’urbanisation compromettra par nature – nous semble-t-il – l’objectif d’optimalisation spatiale.
Ce raisonnement s’applique de la même manière pour les SDC ou les SDP qui seront adoptés par les communes et qui auront vocation à remplacer les mesures (annexe 1 du SDT) et la cartographie des centralités (annexe 2 du SDT).
Ainsi, il sera possible d’envisager de s’écarter des règles découlant de la stratégie d’optimisation spatiale (telle que poursuivie par le SDT, SDC ou SDP), mais rien ne garantit que le projet concerné sera autorisé pour autant, ni qu’il ne sera pas contesté en justice, au moins sur ce point.
Article rédigé par Luca Ceci et Kevin Polet - Avocats spécialistes en droit administratif (Amplitude) et Assistants à l'UCLouvain